ECOROBOTIX : la Cuma de la Pratique (Manche) fait le bilan d’une première campagne intense
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Pulvérisation ciblée : retour d'expérience d'une Cuma du département de la Manche 1 an après la création du service...
La pulvérisation buse par buse en temps réel devient incontournable. Elle est disponible sur divers pulvérisateurs, qu’ils soient installés en usine ou ajoutés en rétrofit. Cette technologie est également présente sur des matériels conçus spécifiquement pour cette application, comme le modèle ARA d’Ecorobotix. Son objectif est de rendre les traitements plus efficaces tout en minimisant l’utilisation de produits phytosanitaires.
Le fonctionnement du ARA
Le ARA est un pulvérisateur de précision de 6 mètres de large, attelé à l’arrière d’un tracteur. Il dispose de deux cuves à l’avant : une de 300 L pour la bouillie et une de 600 L pour l’eau claire, permettant de préparer une nouvelle bouillie directement au champ. Le système est constitué de trois unités, dont les deux extérieures se replient. Chaque unité est dotée de deux caméras permettant de différencier les adventices des cultures, même la nuit grâce à la lumière qu’elles émettent. La pulvérisation est effectuée par une rampe de 156 buses avec une précision de 6 cm x 6 cm au sol et un délai d’intervention de 200 millisecondes ! Les unités sont protégées par une bâche pour limiter la dérive et les variations lumineuses. La prise de force permet d’entraîner un alternateur pour alimenter les caméras et les électrovannes, l’important étant de maintenir une vitesse d’avancement linéaire.
Objectif : éradiquer les rumex
Bien que destiné principalement aux légumes de plein champ, l’ARA a été adopté par une intercuma du Sud-Manche pour lutter contre les rumex et les chardons dans les prairies. Sur les cantons de Saint-Hilaire-du-Harcouët, Mortainais, Gorron, Domfront et Bagnoles-de-l’Orne, la problématique du rumex est bien connue : cette plante invasive, capable de se reproduire rapidement, dégrade la qualité des prairies et entraîne des refus. Si les traitements sélectifs restent peu efficaces (60-70 %), la pulvérisation ultra-localisée semble offrir une solution efficace pour maîtriser cette plante. Le désherbage manuel quant à lui s’avère fastidieux en main-d’œuvre et finalement pas assez satisfaisant (oublis).
Un projet mené au pas de course
Piloté par la Cuma de la Pratique au Teilleul, le projet autour de l’ARA a débuté en août 2023, et la première utilisation en prestation complète a eu lieu au printemps 2024. Ce projet ambitieux a fédéré 23 Cuma des cantons limitrophes et s’est déroulé via plusieurs réunions d’information et de validation.
Le prévisionnel intègre les charges liées au tracteur, chauffeur, matériel attelé, ainsi que le coût de la licence annuel (6 000 €/an) et des frais de gestion. Chaque Cuma adhérente refacture à ses adhérents et s’engage pour un certain nombre d’hectares.
L’intervention du ARA est organisée en zones spécifiques, chaque Cuma étant responsable de son périmètre et de ses adhérents. Un relais par Cuma a été identifié et fait le lien avec le chauffeur et responsable de l’activité, Guillaume Martel, qui organise les tournées. Le travail se fait au maximum par zones pour limiter les temps morts.
Le débit de chantier annoncé par le constructeur a été réinterprété dès le départ afin d’éviter les mauvaises surprises, les 4 ha/h annoncés ont été traduits comme étant un débit instantané.
Chaque adhérent s’approvisionne sur la base d’un seul et même produit commun à tous (un Sulfonylurée systémique efficace à très faible dose 20 g/ha par ex Daytona) et fait l’appoint auprès du chauffeur une fois le chantier terminé. Le matériel est logé chez le dernier utilisateur de la journée, et un véhicule est mis à disposition pour le chauffeur afin qu’il puisse retourner chez lui.
Des résultats impressionnants
Le bilan après trois mois d’utilisation, lors d’une porte ouverte en juillet 2024, était déjà particulièrement positif avec 650 ha et 250 parcelles traitées dès le printemps. Aujourd’hui l’ARA a permis de réaliser un total de 1250 ha sur l’ensemble de l’exercice, bien au-delà des prévisions initiales de 700 ha. Un second chauffeur a dès lors été embauché, la Cuma a même refusé 400 ha, les résultats ayant convaincus l’ensemble des agriculteurs sur le secteur.
Les résultats sont sans appel : une réduction moyenne de 90 % de la dose de produit utilisée par rapport à une application classique en plein mais surtout une efficacité de 95 à 98 %. C’est ce dernier point qui est le plus important, l’ARA a permis de sortir d’une impasse technique au-delà de la réduction de dose et du coût lié (assez faible ramené à l’hectare). De plus, grâce à l’expérience du chauffeur, il est possible avec la bonne hygrométrie d’être très pointu, en faisant varier la dose appliquée (1 à 3 gr de plus) qui permet ainsi de traiter des rumex plus avancés, tout en restant sur une économie de dose de 85%.
Des réajustements à effectuer
L’expertise des chauffeurs et d’Ecorobotix sont sans faille concernant l’application d’herbicide, en revanche la machine souffre de problèmes structurels.
Certains problèmes d’entretien sont apparus, La machine souffre en terrain difficile même en réduisant la vitesse d’avancement, notamment lorsque les prairies ne sont pas nivelées, le montage des roues s’avère insuffisant et le châssis n’est pas assez robuste. Ces points sont suivis par le concessionnaire Werschuren et par Ecorobotix, qui travaillent à résoudre ces difficultés techniques.
Le projet a également mis en lumière la nécessité d’une seconde machine car le périmètre d’action est devenu trop large, ce qui engendre beaucoup trop de temps morts, le débit de chantier s’en trouve affecté (2.1 ha/he avec la route). Le coût de prestation augmente par rapport au prévisionnel et passe à plus de 60 €/ha.
Se pose alors la question de la date d’arrivée au champ pour maximiser l’efficacité :
- Rumex : moins efficace si pas pris dans les temps
- Chardon : doit être pris dès le départ (début développement feuilles)
- Avec un périmètre d’action de plus en plus important (bouche à oreille), cela peut poser problème
Un second groupe est alors en réflexion cette fois dans le bocage ornais. Le coût et le délai d’attente ayant sérieusement augmenté, il faudra alors juger de la pertinence de l’investissement.
Ce qui est incontestable, c’est que cette initiative suscite un fort intérêt parmi les agriculteurs, au point que la Cuma sera mise en avant lors du prochain Fira à Toulouse.
Fédération des Cuma Normandie Ouest